mercredi 23 septembre 2009

Temps vertical

J'ai commencé à composer ce texte à cet endroit que j'aime, au jardin botanique de Montréal

Gaston Bachelard écrit: "Le poète détruit la continuité simple du temps enchaîné. En tout vrai poème, on peut alors trouver les éléments d'un temps que nous appellerons vertical pour le distinguer du temps commun qui fuit horizontalement avec l'eau du fleuve, avec le vent qui passe."

Cette notion de temps vertical me séduit. Spontanément, je l'emprunte pour exprimer la richesse des moments où on goûte la réalité vivante du temps qui passe, l'intensité de chaque instant; un temps qui cesse d'être monotone.

Certains livres nous font ainsi ressentir mot à mot une telle plénitude. Ils sont rares. "L'enchanteur" de René Barjavel a été pour moi un de ceux-là. Savourer page après page et avoir envie que ça n'ait pas de fin.

Tous nos sens nous invitent à vivre le présent, à condition qu'on leur prête attention: regarder (et non seulement voir), écouter (et non seulement entendre), humer, goûter, toucher, nous connecte à la vie qui passe.

Dans la nature, le temps s'arrête, c'est si doux, si bon, si serein, parce qu'enfin, on en fait partie de ce grand oeuvre qui ne se vit qu'au présent et nous touche en profondeur. Ce bien-être, on peut le retrouver aussi dans le quotidien, en se connectant à notre environnement. Arrêter de penser de temps en temps, pour être tout simplement.

Dans la communication avec les humains aussi, parfois, le temps suspend son cours: moments de complicité, quand soudain tout devient si facile, si transparent, ou si intense, si intéressant! Je pense à la première rencontre de Carl Jung et de Sigmund Freud, ils ont parlé pendant treize heures d'affilée sans voir le temps passer, tant ils avaient de choses à se dire.

On peut arriver à ressentir de plus en plus souvent un sentiment de plénitude, dans nos contacts humains quotidiens. On peut le cultiver, en étant présent aux autres, et à l'ambiance. Par exemple, on fait la file, on s'énerve et puis... on se parle à soi-même: "Voyons, calme-toi, observe, et profite de cet arrêt pour être, n'est-ce pas même agréable d'être là, tranquille, en suspens." Le temps devient différent tout à coup, il devient vertical, il passe en prenant son temps. Sinon, au lieu de passer doucement, il nous pousse, nous tire et on ne le vit pas, on le subit!

Quand j'écris, le temps devient vertical. Je ne peux avoir l'esprit ailleurs que sur la page où mon crayon écrit au présent. Des idées viennent, je les couche sur le papier un peu au hasard. Après, je reprends tout autrement. Je biffe, je remplace, je replace, je peaufine, jusqu'au résultat. Une création ne peut se faire qu'au présent!

Créer, ressentir, communiquer, se recueillir, méditer, regarder, écouter, aimer. Au beau milieu du temps, l'esprit s'épanouit quand il est branché sur la vie, sur le moment qui respire maintenant, et se conjugue au présent!

Michelle
23 septembre 2009

samedi 19 septembre 2009

Nos idéaux... nos guides

Photo de la voie lactée, prise par mon frère Gilles le 13 mai 1986

Nos idéaux sont comme les étoiles pour les marins.
Nous ne les atteignons jamais, mais ils nous guident!

Proverbe terreneuvien


samedi 12 septembre 2009

Perfecto mundo


Recherche d'un monde parfait! J'ai d'abord découvert cette expression, "perfecto mundo", dans un livre intitulé "La saison du concours"; un père professeur de kabbale, un fils qui cherche une voie spirituelle hors de la religion juive, une fillette, Elisa, personnage central du livre, qui découvre par son père et ses livres sacrés la vie cachée des lettres et des mots et vit à travers eux une expérience transcendante, et enfin la mère, secrète, effacée, qui au fil des ans, élément par élément, a élaboré à partir d'une foule d'objets subtilisés, un monde étrange et ordonné où elle fuit la réalité, son "perfecto mundo".

Dernièrement, j'ai retrouvé cette expression dans un autre livre: "L'étrange Odd Thomas", de Dean Koontz. Encore une fois, il s'agit d'une mère, une femme fragile qui ne peut supporter les problèmes; elle se réfugie dans son jardin de roses, à l'abri de toutes les vicissitudes, son "perfecto mundo". Elle habite au centre de la vieille ville de "Pico Mundo" (petit monde), où habite aussi son fils Odd, qui dit de sa mère: "Elle ne voulait pas d'amour, ni le mien, ni celui de personne. Elle n'en avait pas à donner en retour. Ma mère ne croit pas en l'amour. L'amour lui fait trop peur, à cause de ce qu'il exige. Elle voulait le bon et l'agréable, des relations légères qui se contentaient de parler de la pluie et du beau temps. Son monde parfait ne comptait qu'une seule habitante!"

Qui n'a jamais rêvé d'un monde où tout se conjugue dans une parfaite harmonie, une paix sans mélange. J'y ai rêvé pendant bien des années! J'aurais voulu éviter tous les problèmes, écarter magiquement les difficultés, tout ce qui m'embarrassait et me faisait peur. J'ai aussi longtemps rêvé qu'un jour, j'arriverais à me sentir toujours à l'aise, jour après jour, sereine, comme il m'est arrivé de le ressentir pendant quelques jours ou quelques semaines, dans un "perfecto mundo" (périodes que Jung appelle inflation). Quel soulagement, quand on se sent complètement à l'abri en Soi, en parfaite harmonie avec la vie!

Mais cette attente de la délivrance nous fige dans le temps, comme l'attente d'un éventuel recommencement du monde, d'un événement ou d'un Être venant nous sauver, d'une aide extérieure, de la date magique où notre monde sera délivré! J'ai fait un rêve un jour où je voyais beaucoup de gens en attente de quelque chose. Leur bagage à côté d'eux, ils étaient prêts, ils attendaient, dans un paysage sombre. Et une jeune fille que je connaissais, Lilia, me demandait: Mais qu'est-ce qu'ils attendent? Je ne lui ai pas répondu, dans le rêve... mais j'ai compris en y repensant, puisque moi-même, comme beaucoup d'autres, j'attendais!

Chacun de nous porte à l'intérieur de soi la clé pour transformer son "pico mundo". Chacun de nous est un petit monde qui ne peut être délivré que par lui-même. Nous aspirons au bonheur, à un monde sans douleur, sans souffrance, un "perfecto mundo", un monde de paix. Si nous voulons le voir éclore un jour, chacun de nous, dans son "pico mundo", a quelque chose d'unique à développer; un petit morceau du grand "puzzle" de l'anima mundi, à découvrir et puis à insérer dans le Tout. Nous seuls pouvons arriver à délivrer cette parcelle de vie unique et originale.

Chacun de nous a pour mission de délivrer son âme des tourments qui l'affligent, avec l'aide de l'anima mundi, Âme du monde, immanente en toute chose. Pour cela, plusieurs moyens sont à notre portée, mais chacun exige une implication personnelle: méditation, travail sur les rêves, écriture, prise de conscience des signes qui jalonnent notre vie, etc. Chacun de nous doit se sauver lui-même, pour qu'au bout du compte l'anima mundi, peu à peu, soit délivrée des maux qui l'enchaînent au coeur de l'humanité. Sur la table d'Emeraude, on peut lire: "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas". Le macrocosme est comme le microcosme. On ne peut pas changer le Monde, mais on peut changer son petit monde, le libérer, le rajeunir, ce qui aura pour effet de nous rapprocher petit à petit de ce "Perfecto mundo" tant convoité.

Michelle
12 sept. 2009

N.B. Le livre de Myla Goldberg, "La saison du concours", a été adapté au cinéma dans un film intitulé "Les mots retrouvés"
http://www.poesie-amour.com/article957.html

lundi 7 septembre 2009

Bienfaisant silence

Aujourd'hui, j'ai été assaillie par le bruit. Je cherchais un peu de tranquillité, de silence, pour écrire. Pour moi, le silence est précieux, bien plus que la musique. Et voilà que justement, même chez moi, je n'ai pu en jouir comme j'aurais voulu. Je me suis évadée à l'Ile Sainte-Hélène, mais j'ai été envahie par une musique techno qui pollue l'île tous les dimanches (aujourd'hui lundi, c'est la fête du Travail, donc congé au Québec... et cette musique syncopée régnait encore). Dans deux autobus, la radio était forte, et en m'en revenant, en bus encore, une conversation sur cellulaire, la cerise sur le sundae. Je voulais justement écrire pour mon blog... mais je me résigne à vous présenter plutôt un texte qui vient du site d'Ariaga, et que j'ai trouvé il y a deux jours (il n'y a pas de hasard) sur un autre blog. J'haïs le bruit!...

Michelle

http://ariaga.hautetfort.com/archive/2008/06/17/le-bruit-pollution-mentale.html

"Dans une lettre de Septembre 1957, adressée à un professeur de droit qui avait fondé une “ligue contre le bruit” C.G.Jung, âgé de 82 ans, parle de la véritable pollution mentale que représente , pour lui, le bruit. J’ai été frappée par le côté actuel de ses propos, assez virulents, et dont j’aimerais vous donner ici la substance.

Le bruit trouble la concentration psychique nécessaire au travail intellectuel et, pour faire abstraction de ce bruit, on doit faire un effort supplémentaire. Le pire c’est qu’on s’y habitue, comme à l’alcool ou à une drogue et on peut souffrir de cirrhose ou de dépendance mentale. Les enfants sont les premiers touchés. Ils reçoivent trop d’incitation à la dispersion. Ils travaillent dans un bruit subi ou choisi et reçoivent quantité de sollicitations extérieures, ce qui les empêche de réfléchir et de se concentrer pour trouver eux-mêmes des solutions aux questions qui leur sont posées. Pour Jung, et j’ai tendance à croire qu’il a raison, l’homme s’est mis à aimer le bruit parce que le monde est de plus en plus angoissant et que le bruit “empêche cette angoisse de se faire entendre”. Autrefois, les primitifs faisaient du bruit pour chasser les démons. De nos jours, le bruit, comme la foule donne à pas mal de gens un sentiment de sécurité et protège contre les désagréments d’un silence qui pourrait conduire à la réflexion et aussi laisser remonter à la conscience ce qui est enfoui dans l’inconscient. N’importe quel bruit est alors préférable au silence. Comme l’écrit Jung, “Dans ce que l’on appelle de façon significative, “un silence de mort”, on se sent mal à l’aise”. On craint ce qui pourrait venir de l’intérieur et on le combat de l’extérieur. Jung est assez pessimiste sur l’issue de la lutte que mène son correspondant contre la pollution sonore. Voici ce qu’il écrit :

“Avec la lutte si nécessaire contre le bruit, vous vous êtes chargé d’une tâche difficile : certes il serait souhaitable de réduire l’excès de bruit , mais plus vous vous en prenez au bruit, plus vous vous engagez sur le terrain interdit du silence, objet de tant de crainte. Vous ôtez aussi à ceux qui sont sans importance et dont on n'entend jamais la voix l’unique joie de leur existence, et l’incomparable satisfaction qu’ils éprouvent à crever le silence de la nuit avec la pétarade de leur moteur, ce qui leur permet de troubler par un vacarme d’enfer le sommeil de leur prochain. A ce moment-là, ils sont quelque chose dont il faut tenir compte. Le bruit est pour eux une raison d’être et une confirmation de leur existence. Il y a beaucoup plus de gens qu’on ne le soupçonne qui ne sont pas dérangés par le bruit, car ils n’ont rien en quoi ils pourraient l’être ; au contraire, le bruit leur apporte quelque chose.”

Quand je lis cette lettre de Jung je me dis que la vie est mouvement et que nous devons peut-être nous adapter à l’époque dans laquelle nous vivons. Mais dans le cas du bruit, s’agit-il d’une nécessaire adaptation, librement consentie, ou d’une pollution qui est une agression et que nous subissons sans réagir ?"

Ariaga